(semaine événementielle de lutte contre le
sexisme)
Julia Kristeva pour une valorisation de l’expérience maternelle
Deux événements me paraissent marquer
profondément la lutte contre le sexisme et favoriser l'égalité des femmes et
des hommes :
1/ l'inscription du droit à
l'avortement dans la Constitution sur proposition de France
Insoumise, et soutenue par la majorité, le 24 novembre 2022, en attente de
l’aval du Sénat. Gravé dans les
principes et les droits fondamentaux de la République, le droit à l’avortement
devient une garantie incitative pour toutes les
femmes qu’elle protège des pressions communautaires et intégristes ainsi que de
l'ignorance et de la désinformation. Mais cet acte symbolique majeur ne serait
pas suffisant à lui seul s’il n'est pas suivi par une rigoureuse application
de la loi, avec des moyens financiers,
matériels, humains : centres, campagnes médiatiques, information et
pédagogie.
2/ J’ajoute la loi
relative à la bioéthique (2 août 2021) et le décret d'application (29 sept 2021)quidonnent le droit de procréation médicalement assistée à toutes les
femmes, qu'elles soient hétérosexuelles, homosexuelles ou homoparentales. Ces
dispositions législatives ouvrent largement à la diversité familiale, sexuelle
et de genre.
De telles avancées ont des conséquences
civilisationnelles aussi profondes qu’imprévisibles, et qui sont
menacées de toutes parts, restons vigilants.
II - Le prochain grand combat à mener
pour les dix prochaines années
portera :
-sur un effort
économique qui prendra en compte la maternité pour mettre fin à
l'inégalité salariale entre hommes et femmes ;
-et sur un changement
de paradigme dans les luttes contre le sexisme.
1.Je précise que, partout, dans le monde, on constate
une féminisation de la pauvreté. En France, le salaire des femmes reste
en 2019 inférieur en moyenne de 22 % à celui des hommes. Le temps partiel des
femmes, lié à la maternité, n'en est qu'une des causes, mais elle mérite
de devenir centrale, dans ce combat. En termes de valorisation psycho-éthique
de l'expérience maternelle. ET de sa valorisation financière qui
pourrait se traduire en diverses compensations.
2.Cependant, nous
ne saurions mener ces combats qu'à condition de désinsulariser la lutte
contre le sexisme, tout en maintenant ses objectifs. Le découplage de la
procréation et de la sexualité ; la mutation de la différence sexuelle ;
la structure et le sens de la famille ; le genre et le hors-sexe ;
ainsi que leurs multiples conséquences participent d'une accélération
anthropologique sans précédent. Et dont la lutte contre le sexisme – dans
la foulée des autres luttes d'émancipation – est un sinon le déclencheur/moteur principal.
Une
majorité de la population mondiale ne partage pas (encore ?) ces mutations. Qui
n'empêchent pas que le mariage
hétérosexuel, évidemment princier, demeure le point de mire de nos écrans
globalisés, qui sacralisent et perpétuent le fantasme originaire de la
« scène primitive », papa-maman au comble du bonheur. L'hétérosexualité
a été, est et sera le problème
Il s’ensuit un nouveau malaise dans lacivilisation dont la prise de conscience
nécessite des mesures politiques et juridiques, assorties d'accompagnementspersonnalisés. Afin de permettre l’élaboration d'une penséeau
singulier pour chacune et chacun. C’est elle qui sera l’ultime
avancée avec et dans les risques de la liberté.
La figure qui m'avait inspirée était Simone de
Beauvoir. Je lui ai dédié la conclusion de ma trilogie Le génie féminin consacrée à Hannah Arendt, Mélanie Klein et Colette, ainsi
qu’un livre, Beauvoir présente. J’ai créé le prix Simone de Beauvoir
décerné cette année le 9 janvier, jour anniversaire de Simone de Beauvoir, à MahsaHamini, la jeune étudiante
Kurde dont la mort a déclenché un soulèvement libertaire en Iran.
Attendre une figure pour
« s’inspirer » me parait être une posture du vieux monde, quelque
importante qu’elle puisse être dans un contexte socio-historique. Aujourd’hui
le féminisme se conjugue au singulier, et toute femme qui se réclamerait du
féminisme – ou pas – participe à sa façon particulière à l’accélération
anthropologique en cours. Je « m’inspire » de chaque geste de liberté
qui transforme une femme. Peut-être parce que je suis psychanalyste, féministe
atypique. Et j’aimerais que l’espace politique des 10 prochaines années s’en
ressente.
La chanson féministe que je préfère ? Je
n’en connais aucune. Je suis fascinée par les musiciennes. Une pianiste de mon
âge, Martha Argerich, incarne le génie féminin dans
son interprétation de la Toccata en do mineur de Bach. Mais vous pouvez
prendre toutes ses interprétations de Bach : toutes les rencontres amoureuses,
hommes et femmes, fini la guerre des sexes, intensité, justesse, irrésistible
vitalité.