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ASSISE 2011

27 octobre 2011

Julia Kristeva ©photo Sophie Zhang

AVANT LA RENCONTRE D'ASSISE

«Construire des complicités» (La Croix 26 octobre 2011)

- Avez-vous déjà rencontré Benoît XVI ?

Julia Kristeva : - Non. Pour la première fois, le Vatican rencontrera des humanistes de manière aussi ouverte, solennelle et publique. Certes, des contacts existent depuis longtemps, mais cette rencontre officielle sera un véritable événement. J'en suis très honorée.

- Des intellectuels agnostiques sont-ils en train de modifier leurs regards sur les religions ?

- Déjà, le Parvis des gentils, en mars 2011, à Paris, avait été une nouveauté. Ce fut comme une petite étincelle, un bon début, qui devrait encourager les deux côtés à traverser des siècles de méfiance, de guerres et de persécutions, en vue de construire des complicités. Avec raison, chacun est sur ses gardes. Pourtant, il ne s'agit pas de gommer ses différences, mais de travailler ensemble sur des sujets qui peuvent nous rassembler dans un monde en crise permanente.

Pour nous, les non-croyants, que je préfère appeler « humanistes », cette rencontre donne l'occasion de mettre en valeur la nouveauté que représente l'humanisme, qui, préparé par la tradition gréco-latine et la Renaissance, s'affirme dans les Lumières en se séparant de l'humanisme chrétien. Cette rupture, introuvable dans aucune autre civilisation, est prometteuse de libertés, mais aussi elle déçoit. Je fais le pari que sa refondation est possible, en construisant des passerelles entre cet humanisme sécularisé et l'humanisme chrétien, ainsi qu'avec les autres religions.

- Quel est le sens de votre démarche ?

D'abord, l'Homme Majuscule n'existe pas, ni comme « valeur » ni comme « fin » suprême. Ce sont les hommes et les femmes qui sont les seuls législateurs, et c'est uniquement par la mise en question de notre situation personnelle, historique et sociale que nous pouvons décider de la société et de l'histoire. Une perpétuelle mise en question s'impose donc de plus en plus, en dénonçant les abus des religions, mais aussi en réévaluant les richesses et les bénéfices, en termes de vérité humaine, que les religions ont accumulés au long de l'histoire. Il convient non pas de les affaiblir, mais de les problématiser et de les adapter aux singularités modernes.

- Peut-on passer de l'ère du soupçon à l'ère de la rencontre ?

- « N'ayez pas peur du totalitarisme », a dit Jean-Paul II. En invitant des humanistes à Assise, Benoît XVI semble dire : « N'ayez pas peur de l'humanisme », et aux humanistes : « N'ayez pas peur des catholiques, n'ayez pas peur des religions. »

Recueilli par FRÉDÉRIC MOUNIER, La Croix du 26/10/11

 


Julia Kristeva devant Benoît XVI à Assise pour défendre « l'humanisme des Lumières»

26 octobre 2011, Le Monde

La philosophe française Julia Kristeva est l'une des quatre personnalités non croyantes conviées, jeudi 27 octobre, à Assise (Italie) par le Pape Benoît XVI, qui y commémore le 25e anniversaire de la rencontre interreligieuse organisée pour la première fois dans cette ville par Jean Paul II en 1986. Elle donnera une conférence mercredi soir à Rome et, au nom de ses trois collègues, (un Italien un Autrichien et un Mexicain) elle prendra la parole devant Benoît XVI jeudi, à Assise.

L'association de ces intellectuels humanistes à une rencontre "pour la paix et la justice" à laquelle participent quelque 300 religieux venus de cinquante pays constitue une première. Elle s'inscrit dans la démarche amorcée par le Pape actuel pour développer le dialogue entre croyants et non croyants, notamment concrétisé par la création du Parvis des gentils, dont la dernière manifestation vient de se dérouler à Bucarest. Il s'agit, indique le Vatican, de souligner l'importance que Benoît XVI accorde à l'aritculation entre la foi et la raison.

Pourquoi faites-vous partie des quatre philosophes invités par le Pape pour incarner les non croyants lors de la rencontre "interreligieuse" d'Assise ?

Même si pour moi la coupure avec les traditions transcendantales a eu lieu, je me suis beaucoup intéressée à l'histoire religieuse, j'ai travaillé et écrit sur le besoin de croire ; j'ai participé aux conférences de Carême à Notre-Dame de Paris, de même qu'à la première manifestation du Parvis des gentils à Paris cette année.

Comment envisagez-vous votre participation à la rencontre d'Assise ?

L'idée est de se réunir face à la gravité de la crise économique et morale qui porte en germe des conflits militaires. Il ne s'agit pas de gommer les différences entre croyants et non croyants. Mais une passerelle entre les deux est indispensable, à l'heure où des tendances traditionalistes stigmatisent les Lumières et voient dans la laïcité une menace contre la civilisation, un signe de décadence. Certains pensent que l'humanisme est un moralisme mou. Ce n'est pas le cas ! Il faut remettre à plat les codes moraux et les penser ensemble, dans la pluralité. Nos valeurs, fondées sur les droits de l'homme nous donnent une force qui ne nous fait pas craindre d'être phagocytés par les obscurantistes.

Je vais profiter de cette journée pour mettre en valeur la nouveauté que représente l'humanité des Lumières et l'idée qu'une refondation de cet humanisme, qui est aussi en crise, est possible en créant des passerelles avec l'humanisme chrétien.

Jean-Paul II faisait référence aux droits de l'homme et plus récemment Benoît XVI a rappelé que cette notion était inhérente à l'Occident.

Que ferez-vous lors du "temps de prière et de silence" prévu jeudi après-midi à Assise ?

Je réfléchirai et j'essaierai de penser, car la pensée est la forme moderne de la prière.

JULIA KRISTEVA

Recueilli par Stéphanie Le Bars, Le Monde 26/10/2011

 


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