Abjection, reliance,
sublimation et esthétique
Jean-Louis Baldacci
I-Intro
Nous
devions échanger avec Françoise ce matin en référence à la clinique, sur les
notions d’abjection et de reliance proposées par JK.
Françoise en s’appuyant sur ses travaux concernant l’esthétique et moi sur ceux
des miens qui interrogent la problématique des sublimations. Mais Françoise
étant souffrante cet échange ne peut avoir lieu. J’essaierai dc
d’interroger les notions d’abjection et
de Reliance en abordant dans mon cheminement ce que l’approche de Françoise
permet d’éclairer. Car finalement par
des voies différentes mais proches nous cherchons
tous les trois, Julia Kristeva, Françoise
Coblence et moi les moyens, permettant à psyché de se construire ou de se
reconstruire à partir de son ancrage corporel. Je remercie Samuel le Pastier qui a accepté au pied levé et avec générosité d’engager et d’animer la discussion.
II-
Les nouvelles demandes adressées à la psychanalyse
Les
notions d’abjection et de reliance se proposent
d’enrichir la compréhension de certaines formes de troubles psychiques, celles là même qui sollicitent la psychanalyse depuis
qu’elle ne se limitent plus au champ exclusif de la névrose . S’agit-il de
nouvelles maladies de l’âme apparues dans le socius ou de maladies seulement
nouvelles pour la psychanalyse, la question reste ouverte ? Ce qu’il y a
de sûr c’est que la question se pose déjà pour Freud sans qu’il parvienne à y répondre, lorsqu’il découvre
dans la dernière partie de son œuvre à côté du refoulement, en tout cas souvent associé à lui, un autre mécanisme de défense constitutif du
moi , le clivage. Mais à son propos il hésite et se demande en 38, je cite s’il est un processus « connu depuis longtemps et allant de
soi , ou… tout à fait nouveau et déconcertant ».
Il
tourne en fait autour de cette question depuis plusieurs années jusqu’à tenter
d’y répondre en 27 dans un même article qui traite du fétichisme et du deuil.
Ce qui apparaît spécifique du clivage c’est de rendre possible pour le moi la
coexistence de deux positions antinomiques, celle de reconnaître et de refuser une même réalité, en l’occurrence dans l’article, la castration ou la disparition d’un être
cher.
Dans cette ligne et pour nombre d’auteurs post
freudiens, le clivage correspondrait à une tentative de réduire l’antagonisme
principe de plaisir/principe de réalité en maintenant leur simultanéité possible, en complément de mécanismes de
refoulement inadéquats parce que insuffisants ou excessifs.
- le clivage serait alors soit une solution d’attente – ainsi du mensonge de l’enfant - , attente d’une articulation qui permettrait de sortir
de l’antagonisme principe de plaisir/principe de réalité. Il serait donc un clivage fonctionnel ( cf G Bayle) susceptible de revenir transitoirement durant
la vie adulte . C’est ce Freud appelle « la folie des hommes » dans
ses deux textes de 24 qui abordent la question de la réalité.
- Mais le clivage peut devenir aussi structurel soit
l’expression fixée d’1 articulation échouée des deux principes. La clinique montre que ces formes
structurellement fixées sont liées à des traumatismes et des carences précoces
générant des troubles des premiers refoulements. Ces troubles gênent en particulier la constitution d’un
pôle hallucinatoire comme base d’un fonctionnement psychique selon le principe de plaisir lui-même condition initiale d’un cheminement
possible vers le principe de réalité. Deux conséquences sont cliniquement évidentes , un trouble dans l’élaboration des souvenirs et de leur oubli possible, une
fonction onirique perturbée.
Deux formes cliniques structurelles du clivage apparaissent typiques et viennent interroger à
des degrés divers les situations limites et les nouvelles demandes auxquelles la psychanalyse essaie de répondre
.
-celles tournées vers l’objet via le pôle
hallucinatoire ici objet interne réalisant au max le modèle
mélancolique mais plus banalement le masochisme moral :
elles récupèrent ce qui échappe au refoulement au profit d’un surmoi qui sadise
le moi l’humilie, l’accuse et lui fait honte en exploitant son collage à
l’objet primaire et avec lui ses mouvements œdipiens et sa sexualité infantile.
-celles tournées vers l’objet , ici objet externe ,via la motricité sur le modèle de la paranoïa mais plus banalement et plus fréquemment de
la perversion narcissique volontiers accompagnées de perversions sexuelles, qui utilisent le non refoulé au profit d’un surmoi sadisant l’objet ou l’utilisant comme moyen de jouissance , le
rendant coupable et lui faisant honte en
exploitant ses désirs œdipiens et sa sexualité infantile .
Au plan des traitements psychanalytiques, jusqu’à
aujourd’hui, la question reste de savoir comment traiter ces clivages. Pour y
répondre Il faut trouver comment transformer les traumas en souvenirs, c’est-à-dire
comment les représenter sur la scène
psychique , en particulier la scène
conflictuelle du rêve,
pour les rendre transférerables et analysables .
La question est délicate,
-d’abord au plan de la méthode avec sa règle
fondamentale , car l’association libre, en risquant de conduire à la mémoire du
trauma c’est-à-dire à un enregistrement sensoriel non remanié ss forme d’ histoire et de souvenir, menace le moi
d’effondrement.
- ensuite au plan du transfert car le danger de
l’imaginaire entraîne un refus de
l’écart sujet fonction et clive l’analyste. Il est alors pris dans des
renversements tantôt objet direct de l’attaque du surmoi , tantôt incarnation de l’imago idéalisée, sadique et toute puissante,
mais toujours objet de collage .
- enfin au plan du cadre car la répétition agie qui
transgresse et malmène le cadre cherche
à éviter la remémoration au profit de l’actualisation et du même coup entrave les possibilités
d’interprétation.
Toutes ces perturbations qui portent sur le cadre le
transfert et la RF limitent beaucoup le processus interprétatif.
Dans ce contexte théorico-clinique , les notions
d’abjection et de reliance permettent d’ approfondir
la métapsychologie de ces crises de la situation analytique et essaient
de remédier aux limites du processus
interprétatif et thérapeutique qu’elles
entrainent .
III-Abjection, Reliance et processus théorisant
L’élaboration de ces notions est intéressante car il est rare qu’un auteur nous permette de saisir comment le processus théorisant
s’origine dans l’expérience même du
divan , comment il naît et se développe dans le creuset du transfert . L’abjection tout d’abord : voilà que dans le cadre d’un transfert
maternel, cherchent à se traduire les paradoxes violents que suscite la rencontre mère/bébé du fait de la séparation de leur corps . Le
mot « abjection » vient à JK
sur le divan alors que traversant quelques difficultés dans sa maternité, elle
essaie de traduire la fascination/répulsion, le pouvoir de l’horreur dans l’écriture de Céline. Quelque chose des
mots de l’écriture de l’écrivain, donc d’un texte qu’elle n’a pas écrit, croise ce qu’elle éprouve et qu’elle essaie de dire et, finalement lui permet de le dire. Certes ce qui se joue là évoque le travail du
négatif le pouvoir transformateur de la
destructivité et on pourrait le
rapprocher de ce qu’écrit Winnicott à son propos,
mais cela ne dit rien de ce qui s’est passé pour que le quelque chose d’horrible contenu dans le texte de Céline et qui
attendait d’être lu, puisse être accueilli et transformé. L’expérience du divan
et son récit nous donne un indice de la source de cette transformation : dans
un contexte difficile actualisé dans le transfert, le mot
« abjection » échappe, l’analyste le recueille et dit : «
c’est le mot !». « Elle l’a recueilli » écrit julia kristeva. L’abjection
est-elle alors encore abjection ? Le texte de Céline est-il seulement abject ou est-il devenu objet
esthétique , donnant aux mots le pouvoir de réfléchir l’horreur , de l’éloigner et de préserver ce
que le corps peut encore donner de plaisir, en transformant la détresse en
simple déplaisir.
A propos de Céline, FC rencontre une difficulté , je
la cite : « Peut-on y voir encore la bordure du sublime , un
tension maintenue par le pouvoir de l’écriture ? Pour ma part , je n’y
parviens pas , mais peut-être est-ce résistance à la bascule complète des mots
dans l’abjection ».
Cependant quelques lignes plus haut F. évoque la
tête de Méduse. Ne retrouve-t-on pas
alors avec l’écriture le pouvoir protecteur, parce que réfléchissant , du
bouclier de Persée ? Mais cette réflexion a une condition qu’Athéna donne
le bouclier à Persée . Revenons à la
séquence analytique rapportée par JK.
Un mot tombe dans le champ du transfert, éloigne
d’un transfert trop direct et de l’acte , se déplace sur la parole et permet de
retrouver et d’explorer le sexuel en particulier l’érotisme maternel dans son
lien à la sexualité infantile. Le transfert direct s’est transformé en
transfert sur la parole qui permet de retrouver le corps, la sexualité
infantile et le souvenir via la voie réfléchie de l’imaginaire, en particulier
celle du rêve. Et tout cela grâce à une modalité particulière de l’accueil fait
à un mot, un mot dit comme un cri.
JK reçoit cet
accueil par l’analyste du mot
« abjection » comme une transmission, celle de réfléchir et de préserver de l’horreur. Elle le reçoit comme le don d’un pouvoir de l’éros maternel celui qui permettrait de transformer les émois du corps, besoins, émotions et
sensations, même les plus négatives et de les faire cheminer vers la pensée soutenant ainsi sa quête désirante de l’objet.
Elle dira de son analyste : « elle m’a réconcilié avec le féminin
maternel ». Et elle traduit cette capacité par le terme de reliance .
IV- Abjection , reliance et sublimation
Le terme de reliance interroge : pourquoi un emprunt à l’anglais au vieux français ( selon FC), ou à une notion issue de la sociologie ? En fait ce
n’est pas l’emprunt qui est surprenant mais la dimension néologique du mot. De ce fait, j’essayais de le remplacer par des notions
plus classiquement psychanalytiques comme liaison ou intrication. Mais cela n’allait pas car elles laissaient entendre qu’il y aurait une réduction possible du paradoxe
fascination/répulsion alors que c’est
lui qui est moteur. J’interrogeais ensuite le rapport reliance/transitionnalité , la transitionnalité cette notion maintenant bien familière en psychanalyse. Mais là aussi cela n’allait pas car si la
transitionnalité essaie bien de répondre
au paradoxe engendré par la séparation DD/DH en utilisant grâce à l’objet transitionnel le champ de l’illusion, elle laisse au second plan la sexualité et le
langage qui sont au contraire des facteurs cruciaux de la reliance…
J’ ai remarqué enfin que la reliance apparaissait à JK après la révélation de l’abjection, pour
rendre compte en premier lieu de sa surprise de la tendresse de l’accueil réservé à un mot pourtant marqué par le
rejet et le dégoût. Je me suis dit que c’est ce renversement qui était central
et qu’il fallait alors considéré la reliance comme
l’antonyme de l’abjection pour comprendre ce moment analytique fécond . J’ai cherché la liste des
antonymes et j’y ai trouvé élévation opposée à bassesse et surtout dépassement. Avec la notion de dépassement me
revenait tout le débat psychanalytique
tournant autour de la traduction d’aufhebung dans le
texte de Freud sur la négation. Je rappelle que Lacan à ce propos reprenant hyppolite le traduit par sublimation.
J’ai eu le
sentiment de me retrouver en terrain connu celui du détour sublimatoire engagé
très tôt lors de la rencontre mère /enfant et qui donne au langage un
enracinement psychosomatique. Mais
penser la reliance avec la seule référence à la
sublimation précoce c’est traiter le pb
dans sa dimension exclusivement économique, celle du désinvestissement desexualisant de
l’objet externe au profit du transfert resexualisant sur le langage. Or la reliance à côté de l’ économique inclut aussi les aspects topique et dynamique. Topique parce que le refus tendre du débordement agi destructeur de l’abjection, s’il limite l’agitation motrice tournée vers le dehors, vers les objets, favorise
simultanément l’issue passive de la
satisfaction hallucinatoire tournée vers le dedans la sensorialité et le corps et permet de
différencier les espaces psychiques. Au plan dynamique enfin, la reliance permettrait la mise en jeu du rapport fécond entre
ces deux pôle du fonctionnement psychiques , le pôle perceptivo-moteur tourné vers le dehors et le pôle sensori-hallucinatoire
tourné vers le dedans. Un rapport dynamique dont la conséquence serait la
naissance d’un objet concret venu à la fois du dedans et du dehors, objet
transitionnel pour W , objet à la fois
créé et trouvé, préforme de l’identification et de la représentation . Pensons au ruban ou au vieux bout de ficelle tenu
précieusement dans le poing fermé pendant que l’enfant suce son pouce . Il est
souvent sale voire, répugnant ou abject , difficile à laver mais gare à sa
perte , car elle équivaudrait presque à la perte de l’enfant ou de sa mère .
C’est que l’objet s’est personnalisé il
a maintenant un nom, un nom double qui
traduit sa double origine , l’union du
dd et du dh qui lui a donné naissance . Dou dou, dodo , pinpin et j’en passe, scellent la rencontre de l’objet et
du corps et le redoublement , le trait d’union sexualise le langage tout en desexualisant l’objet dispensateur de soins . Jamais
un mot seul - ce que tente en vain le néologisme schizophrénique - ne pourra rendre compte de cette double
origine. Grâce à l’acquisition de la négation , être et n’être pas , avoir et
ne pas avoir, cette impossibilité
provoquera la séparation du mot redoublé, sa multiplication au gré des
rencontres et des découvertes dans des
assemblages de plus en plus complexes. Et
toujours, pour essayer de rendre compte de la présence et de l’absence, de chercher
le mot qui manque au bord de l’abjection.
V-Abjection reliance et esthétique
Selon cette perspective, la reliance intervient triplement : dans la mise en place des premiers refoulements ,
des premières sublimations et des premières identifications condition
de la mise en représentation .
Or le renoncement , le don et la tendresse qui
caractérisent la reliance maternelle sont souvent
perturbés. C’est cette perturbation que Freud interroge dans son texte princeps
sur la sublimation consacré à Léonard de Vinci. Il essaie en effet de
comprendre ce qui entraîne le peintre à régulièrement abandonner
la réalisation de ses grandes œuvres au profit de recherches et de
constructions marquées par la sexualité infantile, la référence au corps
machinal et la toute
puissance de la pensée. Il y voit le retour d’une sublimation précoce
troublée par l’érotisme maternel . Il
écrit en effet à propos de la mère de
Léonard , je cite : «
Ainsi à la façon de toutes les mères instatisfaites , mit-elle son jeune fils à la place de son mari et lui
ravit elle par une maturation trop précoce de son érotisme une part de
masculinité »
Didier
est un patient, peintre à ses heures, venu à l’analyse pour « des
difficultés d’ordre relationnel ». Mais sa demande est d’emblée
particulière et suscite la réserve : il dit en effet à JK qu’elle est la
seule personne capable de le guider dans cette aventure après lui avoir dit
qu’il appréciait ses livres sur la littérature et l’art. Nous interrogerons
peut-être tout à l’heure l’exclusivité de cette demande.
En séance, il verrouille sa parole et évite la
surprise de l’idée incidente au prix d’une combinatoire mêlant isolation et
perversion. La maîtrise perverse du discours de Didier met le contre-transfert
de l’analyste à rude épreuve. Julia Kristeva tient bon et maintient la
situation analytique. Elle parvient ainsi à ouvrir la voie hallucinatoire du
rêve. Mais la représentation onirique vient figurer la destructivité et
l’abjection qui visent le couple patient/analyste. La figuration du rêve vire
alors au cauchemar et menace de révéler
avec lui les failles identitaires qui lézardent le narcissisme jusqu’à un
possible effondrement. Pour l’éviter, Didier sort de son rêve, se réveille et
le raconte en séance :« il est
penché à la fenêtre de la maison familiale, quelqu’un le pousse, il bascule
dans le vide. Mais, dit-il, au lieu de se casser la figure, de s’angoisser
ou de crier, il s’aperçoit brusquement qu’il n’y a pas de vide. Il se trouve
devant une glace qui reflète, non pas son visage, mais… le visage de sa sœur. Il
crie alors pour de bon et se réveille ». Malgré la pauvreté associative qui suit le rêve l’analyste
questionne : « -sa sœur prenait-elle sa place ? Serait-ce elle
qui le pousse dans le vide, ou est-ce lui qui la projette pour qu’elle se
casse la figure ? » Probablement guidée par le cri du rêve –
((Françoise parlerait-elle là, d’empathie esthétique ?)) – cri qui signale
le danger de la figuration hallucinatoire . JK, pour lui donner la valeur d’un
appel, ajoute : « Votre voix
s’anime quand vous me parlez de vos peintures ». Ces interventions
témoignent que l’analyste a entendu non seulement la parole – le « se
casser la figure » qui tombe dans le champ formulé du transfert – mais
aussi l’affect porté par le cri. Elle
propose de les tisser ensemble, de les relier, et de réparer grâce à l’agir
cadré et la perception objective, ce que l’hallucinatoire du rêve ne peut
encore faire. Le patient apporte ses œuvres en séances : photos et
collages que seule jusqu’alors, sa mère décédée avait pu voir :
corps découpés et souillés de taches de peintures, gueules cassées,
cruauté d’un carnage contrastant avec la politesse du discours. Nous sommes là,
probablement au cœur de ce qui a motivé l’excluvité de la demande : répéter avec l’analyste ce qui se faisait exclusivement
avec la mère, et essayer de se dégager de son emprise persistant malgré sa mort. Jk accepte l’exhibition et le voyeurisme que lui impose
le patient, mais évite , grâce au visible, l’agir sado-masochiste .
Le
travail de reliance qui suit, mobilise les registres
pluriels de la signifiance, mots, affects et représentations concrètes. JK les
utilise pour interprèter la signification perverse de
ces œuvres exhibées . Ainsi se quitte le
champ de la destructivité et se gagne celui de la sexualité infantile
perverse : La reliance sexualise le trauma causé par le décollement du
corps maternel. Mais la dimension
transgressive de l’analyse impose une élaboration du contre-transfert. Celui-ci conduit à une
nouvelle interprétation qui lie les peintures et la figuration du rêve : « Vous me faites participer à vos
massacres. Peut-être avez-vous besoin de casser la figure d’une femme pour en jouir, mais que nous soyons collés l’un à l’autre pour que vous ne
tombiez pas dans le vide ? »
Cette
interprétation permet le décollement. Le patient s’absente, fait disparaître et
se fait disparaître, et à son retour abandonne l’exhibition des collages au
profit de l’associativité en séances. La séquence se termine sur une évocation
associative concernant l’épouse née et éduquée à l’étranger : il n’a
jamais pu se retenir de « lui casser la figure ». Et Julia
Kristeva de reprendre : « - Casser la figure à une étrangère ».
Le patient peut enfin entendre l’interprétation du transfert. Etrangère comme
la première femme du père . Elle lui ouvre la voie de la différence des sexes
et de la scène primitive
Si nous reprenons le processus interprétatif nous constatons qu’entre l’interprétation de
transfert ( « le se casser la
figure ») qui prend la parole pour objet et l’interprétation du transfert
proprement dite , celle qui détache de
l’objet de transfert au profit de la remémoration , tout un travail interprétatif intermédiaire est nécessaire et c’est peut
être lui qui est au cœur de la restauration de la reliance . Intermédiaire entre l’agir et la
sensation il prend la figuration pour
objet . Il est intéressant de remarquer que si la reliance maternelle permet la mise en place du
refoulement et de la sublimation avec pour résultante la représentation, la restauration de la reliance procède à rebours et utilise la figuration objective et son interprétation pour compenser les failles des refoulements
et des sublimations. Mais ces failles imposeront des aménagements
sinon des transgressions du cadre en attendant que la figurabilité soit
suffisamment fonctionnelle pour représenter le trauma et autoriser sa
remémoration .Ces transgressions engageront un travail particulier du contre-transfert pour permettre à
l’analyste de se dégager de l’emprise du patient. Souvent il sera ainsi conduit
à témoigner de ce qui s’est passé, par exemple avec un écrit.
Pour
terminer je donnerai la parole à Françoise : « l’hypothèse de Julia
Kristeva ,écrit-elle, est que la proximité du traumatisme requiert la
recréation par l’analyste d’une reliance maternelle, et que, pour ce faire, il peut être
nécessaire d’accepter des agirs du patient – une certaine mise en acte perverse
[i]
. La parole et la capacité
fantasmatique peuvent alors reprendre leurs droits, bouclant ainsi par le
retour au langage la forte articulation entre psychanalyse, littérature et
esthétique que Julia Kristeva nous invite magnifiquement à penser et tisser. »