Julia Kristeva - L'échec de l'humanisme
De quoi le nationalismes est-il le symptôme ? Maison de l'Unesco, 6 octobre 2018
De
quoi le nationalisme est-il le symptôme ?
Dire
que le nationalisme est le symptôme implique qu'on y entende une idéologie qui
fait de l'identité nationale une crispation identitaire, une bombe à
retardement, menace mortifère et guerrière.
Comme
tous les symptômes, les nationalismes (au pluriel) expriment
des souffrances innommées qui sous-tendent la vertigineuse question de l'identité aussi bien que les
évolutions historiques, juridique et politique de l'Etat-nation. Sans
ignorer cette histoire, j'essaierai d'aborder les nationalismes tels que
je les vis dans un contexte actuel sans précédent, fait de dépressions
nationales, de flux de migrations, de poussées intégristes religieuses, d'escalades
nationalistes défensives et agressives, le tout amplifié par l'hyperconnection.
Et je prends le risque de simplifier, consciente d'ouvrir une boîte de pandore
que l'idéologie nationaliste ne parvient plus (pas?) à dissimuler.
Je
vous propose donc de penser que les nationalismes sont les symptômes de l'échec
de l'humanisme face à deux piliers de l'architecture psycho-sociale et
politique de l'ère numérique que sont l'étranger et le transcendance.
Immense problématique, et je ne saurai que l'esquisser rapidement. Les étrangers que le nationalisme craint pour de vrai ou utilise en bouc émissaire de ses
défaillances internes. La transcendance que la gestion technique de
l'état nation a du mal à traduire, et échoue en conséquence à accompagner
efficacement pour former les citoyens-internautes dans leur besoin d'idéaux,
besoins de croire qui demeurent un constituant du anthropologique universel.
1.
L'étranger hante la globalisation
En
effet, nous le constatons tous : l'étranger hante la globalisation :
Italie, Hongrie, Venezuela... Rien à voir avec un spectre, comme ce fut le cas
du spectre du communisme qui hantait la Sainte Alliance européenne (selon le
Manifeste communiste) il y a plus d'un siècle et demi. L'insoutenable présence
des étrangers est autrement plus disruptive et réelle, de l'extérieur et de
l'intérieur de nos frontière, bien que lourdement chargée, aussi, de fantasmes
imaginaires. A peine ont-ils levé les yeux de leurs selfies hyperconnectés, les
tweetos natifs se réveillent étrangers dans leurs propres pays. Les uns
terrifiés de la déferlante migratoire, ce « grand
remplacement » ; les autres sonnés de se reconnaître étrangers
eux-mêmes, parce que provisoires auto-entrepreneurs de l'urbanisation
trans-frontalière ; chômeurs ou agriculteurs des territoires
désertifiés ; enfants qui ne petit-déjeunent pas avant la classe ; et
autres « diversités » parmi les laissés pour compte du
« système ». Sortis de la toile, les likers et les followers perdent l'illusion virtuelle de « vivre ensemble », ils n'y croient
plus, ils sont étrangers en quête d'un pays qui n'existe pas. L'hyperconnection
jouxte le dépaysement, la post-vérité et les fake-news provoquent et attisent
le sentiment – le ressentiment d'étrangeté.
En
1988, il y a plus de trente ans, j'ai écrit Étrangers à nous-mêmes qu'on
a pris pour un livre. C'était un cri. Et je voudrais aujourd'hui en faire
entendre quelques accents, persuadée que nos réflexions ne pourraient atteindre
leur sens qu'à condition de rester à l'écoute de cette condition humaine qui
met en question l'Etat-nation et peine à croire en la raison politique
elle-même.
« Étranger
: rage étranglée au fond de ma gorge, ange noir troublant la transparence,
trace opaque, insondable. Figure de la haine et de l'autre, l'étranger n'est ni
la victime romantique de notre paresse familiale, ni l'intrus responsable de
tous les maux de la cité. Ni la révélation en marche, ni l'adversaire immédiat
à éliminer pour pacifier le groupe. Étrangement, l'étranger nous habite: il est
la face cachée de notre identité, l'espace qui ruine notre demeure, le temps où
s'abîment l'entente et la sympathie. De le reconnaître en nous, nous nous
épargnons de le détester en lui-même. Symptôme qui rend précisément le «nous»
problématique, peut-être impossible, l'étranger commence lorsque surgit la
conscience de ma différence et s'achève lorsque nous nous reconnaissons tous
étrangers, rebelles aux liens et aux communautés.
L'
«étranger », qui fut l' «ennemi» dans les sociétés primitives, peut-il
disparaître dans les sociétés modernes ? »
Cette
étrangeté essentielle que les diverses variantes de la sédentarisation - en
alternant « ensouchement » et exiles -, avaient plus ou moins
cicatrisée, la globalisation livrée au virtuel la réveille brutalement.
L'Etat-nation est-il encore le contenant optimal de cette nouvelle humanité
aspirée par « un pays qui n'existe pas » ? Ma réponse est
« oui » ; le nation est un antidépresseur, à condition de
se relier, mais à quel prix ? - aux ensembles supérieurs, régionaux et culturels
(l'Europe par exemple). Un anti-dépresseur qui ne peut plus se passer du
« genre humain ». Mais ce doit, avec cela, de reprendre, interroger et refonder la mémoire des religions constituées, qui prétendent
posséder un « lien unifiant », transcendant les communautés ethniques
et politiques historiquement constituées, aussi bien que de refonder l'humanisme
universaliste lui-même, qui s'en est séparé, qui les interroge et
s'interroge.
2. Un
anti-dépresseur, la nation
Pourquoi
cette non-appartenance au groupe (clan, famille, tribu, « système »,
nation) qui spécifie l'étranger de l'intérieur et de l'extérieur porte-t-elle
atteinte à mon identité et me menace même d'effondrement identitaire ?
Parce
que l'identité est une constituante incertaine, de solidité
relative et fragile, c’est bien l’appartenance au groupe qui la rassure
quand elle ne la constitue pas en définitive. Rappelons-nous le constat de
Marcel Proust : en France la maxime de Hamlet, « Être ou ne pas être » est
devenue « en être ou ne pas en être »- célèbre formule reprise par Hannah
Arendt et qui réplique au sarcasme
de Voltaire : « on se fait dévot de
peur de n’être rien »… Pour l’être parlant que nous sommes, le groupe (famille
ou nation) ne nous garantit pas seulement une continuité biologique (naturelle)
et économique (qui consiste à bénéficier des biens de subsistance), le groupe
consrtuit et abrite le sens, cette dimension constitutive de l'être
humain. De mon langage, de mes
valeurs, de ma culture historique le groupe est l’habitat. (le mot grec « ethos », signifie initialement « habitat »). Le
groupe accomplit l'éthique ! L’être parlant que je suis habite ses
géniteurs, leur tradition et leur langage qui sont mon ethos, mon
éthique.
On comprend donc que d’en être
(d'appartenir à un groupe, une famille, une nation) puisse agir comme un antidépresseur. Ceci n'a rien d'idyllique. La famille et la nation qui sont
mes antidépresseurs dégénèrent -
hélas ! - vite en passion maniaque destructrice et autodestructrice. Mais (à
l’étape actuelle de l’existence de l’Homo Sapiens), mon identité en a
structurellement besoin et l'étrangeté, les étrangers compris, mettent, cette
identité, en danger, risquent de la détruire.
En
stigmatisant à juste titre les dérives nationalistes, certaines idéologies
progressistes ont sous-estimé, voire dénié le sens fondateur et la valeur
consolidatrice de l'identité nationale.
Bien
sûr la circulation des techniques et des personnes peut et va être modulée et
optimalisée. Ces processus sont en cours, ils imposent et imposeront des
modifications accélérées des identités nationales. Mais quand nous nous
révoltons à juste titre contre le populisme, n'oublions pas les accents
populistes des fondateurs de la nation républicaine elle-même dès ses
commencements. Ainsi, Sieyès « Le peuple toujours malheureux ».
Robespierre : « Les malheureux m'applaudissent ». Gare,
donc, au déni qui brutalise cet anti-dépresseur qu'est la nation, et
dont Giraudoux disait : « Les nations comme les hommes meurent
d'imperceptibles impolitesses ». Nos dénis ont souvent été bien plus
que des impolitesses.
Nous
sommes appelés, par la force de l'économie, des médias, de l'histoire, à
cohabiter avec et entre étrangers dans un pays, la France, elle-même en voie
d'intégration dans l'Europe menacée de désintégration. S'achemine-t-on
vers une nation-puzzle faite de diverses particularités, dont la dominante
numérique est pour l'instant française - mais jusqu'à quand ?
Pour
la première fois dans l'histoire, nous sommes amenés à vivre avec des « diversités »,
en misant en priorité sinon uniquement sur des codes moraux
personnels, sans qu'aucun ensemble embrassant nos particularités ne puisse les
transcender.
3. Le
national et l'universel
Le
cosmopolitisme étant né dans l'ensemble culturel européenne, rappelons-nous
quelques uns de ces moments. Il fût d'abord panhellénnique, confronté à
un brassage de populations sans précédent et qui cherchait déjà une universalité
élargie. « Je suis homme et rien de ce qui est
humain ne m’est étranger » (disait Ménandre repris par Térence), et les
stoïciens (Zénon de Citium et Chrysippe) préconisaient une « conciliation universelle »,
(oïkéïosis), qui se traduit comme « toucher intérieur », mettant
l'humain en contact avec lui-même et avec les autres. Nous en avons hérité des
termes comme conciliatio, commendatio (utilisés par Cicéron), comitto (Sénèque), la caritas generis romani (Cicéron aussi).
Le
judaïsme insiste sur une autre logique, transcendant celle de la
conciliation : c'est la logique de l'élection (de élire :
« bahar », jeter un regard, mais qui va se cristalliser en alliance, c'est à dire engagement, responsabilité et fidélité, dans l'épreuve.
L'élection comme épreuve, l'épreuve comme élection.
L'Ecclésia
de Paul de Tarse, puis chez Saint Augustin vise une synthèse entre le toucher
intérieur des stoïciens et l'élection selon la Torah, qui pousse
au-delà de soi vers l'Altérité absolue. Elle s'appose plus qu'elle ne s'oppose au « peuple » (laos) et prône la communion, une
« nouvelle alliance » des étrangers.
D'autres
religions, d'autres cultures tentent d'autres ajustements du même – de
l'autre – de l'universel, qui seront évoqués aujourd'hui, et notoirement
concernant l'Islam qui focalise les passions et les conflits aujourd'hui et
donc va vous parler Fethi Benslama.
Vous le voyez, dès que l'homme se révèle
étranger, c'est à dire en quête d'un pays qui n'existe pas, se pose la question
inéluctable de l'universalité transcendante à travers ou par delà le
groupe, la famille, le clan, le « système », la nation. Garde-fou
contre l'absolutisme nationaliste, et prophétie des temps modernes ?
Ainsi, et dès la naissance de la pensée politique moderne elle-même (avec
Montesquieu notamment), se met en place un réseau de sécurité qui devait empêcher
que le social et le politique ne se confondent en un ensemble totalisant et
totalitaire qui risque de liquider toute possibilité de liberté, posée comme
consubstantielle au « genre humain ». Font partie de ce réseau de
sécurité la séparation des pouvoirs, et la juridiction raisonnable du politique,
du social, du privé, du secret même, assurant ainsi la
coordination des personnes dans leurs singularités. C'est à partir de sa
position d'étranger (ne critique-t-il pas la monarchie à partir des Lettres qu'il appelle « persanes ») que Montesquieu pose les bases
d'une philosophie politique de « la totalité de l'espèce »,
dont je vous rappelle ce phrase inoubliable qui empile les cercles
concentriques des groupes humains, communautés identificatoires, protectrices
et perméables : « Si je savais quelque chose qui me fût utile [à
moi, à ma famille, à la nation, à l'Europe] fait fût préjudiciable au genre
humain, je la regarderais comme un crime ».
Avec
la Révolution française cependant, et déjà dans la « Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen » (16 août 1789), (Nb je crois que le 26
août serait mieux, la chose ayant été votée entre le 20 et le 26) il apparaît évident combien
cet horizon universaliste demeure un horizon... que la gestion politique
abandonne subrepticement. Ainsi, la notion universelle de « genre
humain » - « les hommes », cède sa place à ce que la Déclaration appelle l' « association politique » historiquement
« essentielle » : c'est à dire la nation. D'emblée, l'humanisme
politique universaliste repose sur un paradoxe :
-
Art. 1. « Les hommes naissent libres et égaux en droits... ». - Art. 6. « La
loi est l'expression de la volonté générale, tous les citoyens ont le
droit de concourir... à sa formulation (de la loi)... ». Pas
« tous les hommes » : mais « tous les citoyens » !
De
fait, l'homme naturel a beau être universel, dès qu'on le pense comme
politique, il est national. Ce glissement du raisonnement va conduire,
avec le développement des sociétés occidentales, à la création des états
nations et, par dérivation ou déviation à la flambée des nationalismes au 19e,
20e et aujourd'hui au 21e siècle.
Kant
lui-même, qui prônait la Société des nations (« une force unie
et une décision légale de volonté unifiée ») mettait en garde contre
« l'insociable sociabilité des humains », et prévoyait en
quelque sorte ces dérives. Il ne maintenait son pari sur une possible « hospitalité »
et « générosité volontaire », qu'à partir d'un constat
naïf : elles s'imposeraient « tout simplement parce que la terre
est ronde ». Et je traduis : parce qu'il nous faut sauver la
terre - par l'écologie, dirait-on aujourd'hui -, celle-là qui reste l'ultime
bien unifiant du « genre humain », et combien fragile
aujourd'hui encore.
***
La
Shoah et les massacres inter-communautaires qui continuent de plus belle au 21e
siècle, témoignent en effet du fait que, malgré les avancées considérables
(qu'il ne faudrait pas nier) de « l'impératif moral », ni la finitude
ni le dérèglement climatique de la planète, et encore moins les ajustements
politico-juridiques du droit international, ne parviennent à résoudre les
difficultés socio-politiques des étrangers que nous sommes.
Nous
sommes plus impuissants encore face à la poussée vers l'au-delà, qui s'empare
de chacun, et plus dramatiquement encore pour ceux qui, exposés aux échecs de
l'intégration, lâchent les brides la bride à la pulsion de mort et basculent
dans le totalitarisme.
Loin
aussi de la volonté unifiée de Kant, pensons aux difficultés, voire au
délitement des institutions internationales universaliste (Onu, Unesco, OMC,
etc.) qui manquent de moyens pour assumer l'éducation (entre autre) et peinent
aussi à freiner les manœuvres des nations belliqueuses.
Face
à cette crise de la « connivence » et de la « conciliation »,
au sein des nations diversifiées et entre les états globalisés, le philosophe
Habermas, et le juriste Bökendorf ont fait appel, avec le pape Ratzinger
(Benoît XVI), à un retour à la foi (« Les fondements pré-politiques de
l'état démocratique », 2004). Mais quelle foi ? Le dialogue
entre les religions ne semble pas capable de mettre fin aux massacres entre
croyants, fussent-ils ceux des trois monothéismes, et peut-être encore moins
entre eux, mais aussi des non-croyants ; et la sérénité bouddhiste
elle-même n'est pas exempte d'explosions contre les adversaires étrangers.
Les
seuls universalismes que la globalisation propose ou plutôt impose sont ceux du
marketing et de la financiarisation de l'économie, qui au contraire creusent
les dichotomies riches/pauvres, aggravent les endettements et mondialisent
l'instabilité.
4.
Laïcité et cohésion républicaine
Quelques
mots pour finir sur cette modalité de la nation qu'est la cohésion
républicaine. La Laïcité française conserve la dissociation entre d'une part l'homme
universel naturel (c'est à dire pas d'essence « divine », comme
le veut la Déclaration américaine) et d'autre part, le citoyen
national ; mais elle réduit progressivement ce dualisme en garantissant la diversité
des expériences religieuses dans la sphère privée, en développant et
actualisant les Droits de l'homme, basés sur le triptyque :
liberté, égalité, fraternité.
De
longues luttes ont fini par y inscrire l'égalité – voire la parité entre
hommes et femmes, et plus récemment la reconnaissance des genres et du mariage
pour tous.
Mais
il ne suffit pas de faire de « nos valeurs » une liste de
prescriptions morales. Il importe de les étayer par les récits des combats qui ont été menés dans l'histoire d'une nation en mutation perpétuelle, pour
que la liberté, l'égalité et la fraternité obtiennent du sens
pour ceux qui en manquent. Et ce n'est que le premier pas. Pour refonder l'ambition
universelle de l'humanisme, il importe que ces valeurs s'incarnent dans
l'accompagnement personnalisé des étrangetés globalisées de chacun.
***
L'histoire
de la pensée nous révèle qu'elle se fait fort de transcender la transcendance
en posant un grand point d'interrogation à l'endroit du plus grand sérieux.
L'identité, la nation, le sens et Dieu lui-même.
Dans
le sillage de cette inquiétude métaphysique, Simone de Beauvoir a appris aux
femmes que la liberté n'est pas un choix, comme on aime à le dire, trop
facilement, mais qu'elle réside dans la capacité à se transcender dans
l'autre, c'est à dire de se dépasser hors de soi, vers les autres qui nous
menacent, qui nous sont étrangers, qui nous appellent et qui nous renouvellent,
mais qui sont toujours dans et avec la condition humaine. Oser l'humanisme
laïque consiste à ne craindre ni le nationalisme ni l'intégrisme, mais à accompagner
l'anti-dépresseur qu'est l'identité nationale, pour qu'elle ne s'inverse
pas en réaction maniaque et revancharde ; et à conduire aussi le besoin de
croire, cette composante anthropologique universelle, vers le désir de
savoir, afin que l'aspiration à l'idéal ne s'effondre pas en cette « maladie
d'idéalité » qu'est le nihilisme terroriste.
***
J'ai
la faiblesse de croire que le développement des sciences humaines et notamment
de la psychanalyse – qui ne cessent d'approfondir la connaissance de la
vie psychique – contribuent à la refondation de l'humanisme dans sa visée
universaliste.
La
psychanalyse (qui soutient ici en grande partie nos réflexions en ce colloque)
n'est pas un substitut de la religion. Freud ne détient pas la paternité de l'inconscient,
la psychanalyse ne prétend pas non-plus que « tout est sexuel ». Elle
ne propose ni un « lien unifiant » par delà la nation, ni une
« conscience conservatrice » à l'encontre de la ferveur religieuse,
ni une corrélation entre foi et raison.
En
fait, la psychanalyse découvre que l'étrangeté radicale, constitutive de nos
identités, est transférable. Et elle repère la transcendance dans le
besoin de croire qui sous-tend le désir de savoir. Qu'est-ce que
« transférable » ? On appelle transfert le lien qui s'établit
entre l'analyste et l'analysant, « grâce auquel nous apprenons que
parfois ce que nous croyons nôtre nous est étranger, et que ce que nous croyons
étranger est nôtre parfois ». C'était la définition de Dieu par Saint
Augustin.
En
introduisant cette entente entre altérités exigeantes au plus intime de l'homme
et de la femme, du citoyen et de la citoyenne, la psychanalyse met en mouvement
les langages, les identités, les liens, les idéaux. Ce faisant elle participe à
cette refondation de l'humanisme dont nous constatons aujourd'hui les échecs.
Je
ne suis pas optimiste, vous l'avez entendu, mais, pessimiste énergique, je
repère, avec mes analysants, et d'une autre façon dans les thématiques qui
seront débattues au cours de nos échanges, que seuls l'analyse des
échecs nous permettra d'ancrer le lien unifiant dans l'étrangeté ET dans le besoin de croire, immanent de chacun. Pour contribuer à faire
vivre cette actualité pratique de la nation qu'est la cohésion républicaine.
Je
vous remercie de votre attention et je vous présenterai maintenant les
participants à cette table ronde.
JULIA KRISTEVA
Maison de l'Unesco, 6 octobre 2018
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