Prélude à une éthique du féminin de Julia Kristeva
Le féminin transformatif absolument réjouissant
Je voulais juste dire que
ce fut un honneur et un bonheur pour moi de participer à l’aventure de Prélude.
Alors, de ce livre, je
pourrai dire en m’inspirant de ce qu’a écrit Tiphaine Samoyault dans
son dernier feuilleton littéraire paru dans Le Monde qu’il est un livre de
douceur et de ferveur.
Ferveur dans son
engagement pour le féminin. Et le féminin qui essaime dans chaque texte, n’est
pas un féminin évanescent, victimaire ou revendicatif, mais un féminin qui
questionne, qui interroge, qui construit et déconstruit. C’est le féminin d’une
pensée douce et subversive capable d’accueillir les vulnérabilités mais aussi
une pensée ferme et énergique qui aborde des thèmes aussi variés que le
politique, la psychanalyse, l’écriture, les mots et les images.
Ce que j’aime dans ce
livre, c’est que Julia nous fait voyager : dans les territoires d’une
fabuleuse érudition avec l’étymologie du mot « croire, investir » en
sanscrit, ou bien en évoquant tel ou tel écrivain ou tel poète des siècles passés.
Mais aussi, elle nous
fait être présents au monde, en évoquant les plus brulantes questions
d’actualité, la radicalisation des adolescents, l’explosion des pulsions de
mort dans un monde globalisé ou le mouvement Me-Too.
Et, dans tous les cas, c’est
du lieu d’une altérite, d’une étrangereté que
les choses sont énoncées et pas du lieu de la norme ainsi que l’affirme Julia
dans le premier texte ; « je suis et je resterai étrangère »
Pour conclure quelques mots sur Julia psychanalyste, telle qu’elle
m’apparait dans le chapitre II, « ETRE PSY ».
A la différence, d’autres psychanalystes très structuralistes qui visaient
dans la cure le désêtre ou la destitution
subjective, Julia n’ignore pas le mal être constitutif des sujets parlants, mais elle conçoit l’analyse comme une expérience de
liberté et de vitalité, permettant d’inventer de nouveaux liens et de faire
apparaître des créativités nouvelles.
Et cette conception vivifiante de
la cure me semble bien sûr en lien avec la nouveauté radicale de ses théories
sur le langage.
Dans les temps, où une certaine psychanalyse ne jurait que par le signifiant,
elle a proposé d’entendre la pulsion dans la parole, le sémiotique, la chair
des mots dit-elle.
Et en conceptualisant le langage
comme signifiance, productivité et mouvement, elle a permis de repenser aussi la
cure comme mouvement et création de nouveau.
Le féminin transformatif absolument réjouissant !!!
Il faut aussi penser que tout au long de son œuvre et avec « le
féminin transformatif », Julia a modifié toute une conception du féminin,
prônée parfois par la psychanalyse.
A côté d’un féminin décrit comme manquant, dans l’incomplétude et la
désolation de ne pas avoir le phallus, elle fait apparaitre que ce manque
comporte aussi un bénéfice : celui d’une position subjective singulière,
une sagesse pour ne pas dire une philosophie, une subjectivité étrange,
étrangère à l’ordre phallique.
Une subjectivité qui autorise que soient investis les liens, l’altérité
et la sensorialité comme en témoigne par exemple l’écriture de Colette.
En fait, Julia Kristeva,
par vos écrits, par votre présence, vous nous avez permis d’habiter ce monde.
Myriam Leibovici
Librairie « la
Petite Lumière »
Paris 13 mars 2025