Le vrai dossier Sabina - Julia
Présentation
de l'édition française
Traquée, sa vie durant, par le fantasme
de l’effacement, Sabina Spielrein est effacée dans
les mémoires.
Si le témoignage en demeure, c’est que
Freud a voulu l’inscrire comme un repère obligé, au moins une fois. À trois
reprises, c’est une simple référence parmi d’autres. Mais la quatrième, il lui
consacre une note dans l’Au-delà du
principe de plaisir, lorsqu’il cherche un exemple de pulsion de mort et
l’associe au masochisme primaire.
Il écrit ceci : « Dans un travail riche
de contenu et de pensées, qui par malheur ne m’est pas tout à fait transparent,
Sabina Spielrein a anticipé tout un grand morceau de
cette spéculation. Elle qualifie de « destructive » la composante sadique de la
pulsion sexuelle (la destruction comme cause du devenir). »
Pour établir la version française de ce
dossier, les originaux allemands ont été traduits par Marc B. de Launay, Pierre Rusch (lettres de Freud, lettres, journal et articles
de Sabina).
Comme Freud lui-même, capturé en ses
toutes premières années par la mécanique de trois langues : yiddish, tchèque,
allemand, comme quelques-uns de ses premiers compagnons, Sabina Spielrein a été laminée par
plusieurs langues maternelles avant de se faire entendre. Ce qui, de son
parcours analytique, s’est inscrit en allemand, et se lit comme tel, résulte
d’un déplacement à partir du russe ou du yiddish.
Forme de Durcharbeit, de perlaboration,
qui la qualifie comme la première de celles qui, avec Julia Kristeva, profèrent « une langue d’exil »,- ces femmes
radieuses — les mortes et les vivantes — qui montrent à vif que
l’exil même est consubstantiel à la psychanalyse. Et c’est bien pourquoi, en un
temps où seul Freud y était attentif, Sabina Spielrein a pressenti le langage comme lieu d’avènement du sujet.
Michel Guibal et Jacques Nobécourt, Sabina Spielrein entre Freud et Jung, Aubier Montaigne, 1981, p.7-9