Libre et créative
A la
rencontre de Julia Kristeva, figure majeure de la vie intellectuelle française.
Mercredi 20 février 2013 à 23h55 - Arte
Documentaire : "Julia Kristeva, étrange étrangère", de François Caillat.
COMMENT
ASSUMER sa féminité dans sa vie comme dans son œuvre ? Vaste sujet abordé dans
ce documentaire consacré à Julia Kristeva. Originale, forte, intense, libre et
créative, elle démontre, sans s'opposer à l'homme, qu'elle est un être
autonome. Et c'est paradoxalement parce que la philosophe, psychanalyste et
linguiste ne se pose pas spécifiquement en femme que sa féminité s'impose.
Celle qui se définit comme citoyenne européenne, française de nationalité,
bulgare de naissance et américaine d'adoption a forgé son identité sur la
singularité de son être pour rejoindre l'étrangeté de chacun. «J'ai pris très au sérieux le message de la
Bible : "Tu quitteras ton père et ta mère." Je me suis faite.
L'étrangeté est une grâce, une chance», dit-elle.
Julia
Kristeva explore la richesse des facettes de son existence à travers le prisme
conjugué de l'absolue solitude intérieure et des langues qui l'habitent. Elles
sont les épines dorsales de sa personnalité. Ses vagabondages d'une langue à
l'autre l'assemblent. « Le franchissement
des frontières n'est possible que si le voyageur est capable de remettre en
question ses propres frontières intérieures. A cette seule condition, les idées
l'emportent sur la douleur. Je me voyage », déclare-t-elle. Au cours de
l'heure que lui consacre François Caillat, jamais la
femme de Philippe Sollers ne formule ou ne laisse entendre une quelconque
victoire de sa féminité qui aurait été gagnée contre l'oppression séculaire des
hommes. Elle s'est construite dans le creuset des mots, et c'est un
enchantement que de l'entendre décrire la passion physique qu'elle entretient
avec eux. Elle les « explose », y met tout son corps, en atteint l'épicentre et
transforme sa perception du réel grâce à eux. Pour bien se faire comprendre, la disciple de Roland Barthes cite Colette dans un roulement
de verbes et de syllabes bien fractionnées. Soudain, nous comprenons comment
les mots métamorphosent.
COLETTE
MAINGUY
CinéTélé Obs du 24 mars 2012
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