Prix
Philippe Sollers : qui sont les lauréats de cette première édition ?
Cécile Guilbert
Romain Graziani
Le
jeudi 27 novembre 2025 à 18h, le Café Beaubourg accueille la première édition
du Prix Philippe Sollers, une distinction littéraire créée pour rendre hommage
à l’auteur de Paradis ou de Femmes et
prolonger ce qu’il appelait lui-même « la guerre du goût ». La
remise publique aux lauréats aura lieu à 18h30, au 43 rue Saint-Merri, Paris 4?.
Le jury
du Prix Philippe Sollers est présidé par l’écrivain Philippe Forest et réunit
des personnalités qui ont connu, admiré ou étudié l’œuvre de Sollers. Pour
cette première édition, il rassemble Christian de Portzamparc, Amélie de
Bourbon Parme, Patricia Boyer de Latour, Georgi K. Galabov, Jacques Henric, Nicolas Idier, Catherine
Millet, Emmanuel Moses, Marcelin Pleynet et Sophie
Zhang.
En
hommage à celui qui donne son nom au prix, les organisateurs rappellent que
Philippe Sollers n’a jamais cessé de mener cette « guerre du goût »,
qui se livre « sur plusieurs fronts à la fois et sous des formes
apparemment différentes ». Ils citent l’ouverture de Discours
parfait, où l'auteur reprenait Hölderlin :
Plus
nous sommes attaqués par le néant qui, tel un abîme, de toutes parts menace de
nous engloutir, ou bien aussi par ce multiple quelque chose qu’est la société des hommes et son
activité qui, sans forme, sans âme et sans amour, nous persécute et nous distrait, et plus la résistance
doit être passionnée, véhémente et farouche de notre part. N’est-ce pas ?
Pour
marquer cette première édition, le jury a choisi de récompenser deux ouvrages,
un récit et un essai, en écho à l’œuvre du fondateur de L’Infini, qui
ne séparait jamais la fiction de la réflexion, la poésie de la pensée.
Ce
geste s’inscrit dans l’idée défendue par Philippe Sollers dans Théorie
des Exceptions, où il associait « le geste de la création »
à « cet espace mouvant et contradictoire » où, « le
temps vraiment retrouvé », « l’ancien et le moderne se
confirment, s’éclairent, se multiplient l’un par l’autre ».
Le
premier livre primé, Feux sacrés (Grasset), entraîne
le lecteur vers l’Inde des sages. Le second, Les Lois et les Nombres, dont le titre reprend ceux de deux romans de
Sollers, porte sur la Chine des philosophes.
Leurs
auteurs, Cécile Guilbert et Romain Graziani, avaient autrefois publié leurs
premiers livres dans la collection L’Infini, la première sur
Saint-Simon et Debord, le second sur Tchouang-Tseu. Le jury souligne que leurs
nouvelles œuvres participent pleinement à cette « guerre du goût »
que Sollers appelait à poursuivre sous l’égide de Rimbaud et de Lautréamont.
À 20 ans,
Cécile Guilbert se réclame de Nietzsche, Baudelaire et Lautréamont, refusant
toute idée de spiritualité hindoue. Trente-cinq ans plus tard, c’est pourtant
dans l’appartement d’un maître yogi qu’elle réapprend à respirer pour survivre
à un choc traumatique. Feux sacrés raconte cette métamorphose, à travers un
récit initiatique intime où se mêlent ironie, lucidité et ardeur.
Pour
accéder à cette Vita Nova, elle affronte le scandale de
plusieurs morts : un cousin suicidé, une grand-mère agonisante, un oncle
rencontré une dernière fois dans un ashram du Kerala, puis son petit frère
retrouvé dans des circonstances dramatiques. L’amour avec Nicolas, la sagesse
indienne, les bûchers de Bénarès et les livres l’aident à renaître. L’ouvrage
fait briller sa constellation personnelle : l’amour, les morts, l’Inde et la
littérature.
Cécile
Guilbert, autrice d’essais, récits et romans publiés chez Gallimard et Grasset,
a reçu le prix Médicis de l’essai pour Warhol Spirit et le
prix de la critique de l’Académie française pour Roue libre.
Dans Les
Lois et les Nombres,Romain Graziani montre que la culture politique
chinoise, souvent réduite à l’héritage confucéen, fut en réalité pionnière dans
la création de méthodes impersonnelles pour organiser le cosmos, l’empire et la
vie quotidienne. S’appuyant sur les découvertes archéologiques récentes, il
propose de repenser l’histoire de l’État chinois en rappelant que « lois » et «
nombres » ne recouvrent pas les mêmes réalités qu’en Europe.
Mobilisant
des sources allant des mathématiques à la divination, du taoïsme aux arts de la
guerre, il analyse le processus de dépersonnalisation de l’autorité issu de
l’expérience légiste et ses effets durables sur la société chinoise. Le livre
éclaire la formation d’un paradigme fondé sur la quantification, qui transforme
la perception du temps, de l’espace, du travail et de la souveraineté,
jusqu’aux technologies contemporaines de surveillance.
Sinologue
et philosophe, professeur à l’ENS de Lyon, Romain Graziani est spécialiste du
taoïsme ancien et de l’histoire intellectuelle de la Chine, auteur d’essais
marquants et traducteur de textes chinois.
Un
clin d’œil à l’art de vivre selon Sollers
Le
Prix Philippe Sollers bénéficie d’une dotation exceptionnelle en grands crus de
Bordeaux issus de Château Cheval Blanc et Château d’Yquem,
un choix qui rend hommage au goût de Sollers pour « le vin, la fête et
la beauté partagée ».
Cette
dotation est rendue possible grâce au soutien de Pierre Lurton,
président des deux propriétés. Le cocktail qui suivra la remise du prix sera
offert par le Café Beaubourg, accompagné des vins du Château Marjosse et du Château Quinault l’Enclos, fournis eux aussi
par Pierre Lurton.
Le Café
Beaubourg, institution emblématique du Paris artistique et littéraire,
constitue un cadre symbolique pour cette première édition. Conçu en 1987 par
Christian de Portzamparc, à la demande de Gilbert Costes, il est orné de pages
du roman Paradis de Sollers et établit un dialogue entre architecture, art et
littérature.
Grâce
à la présence de Christian de Portzamparc au sein du jury, et au soutien de
Gilbert et Thierry Costes, le lieu accueille l’événement dans un esprit « d’ouverture,
d’élégance et de joie » que les organisateurs associent à la
personnalité même de Philippe Sollers.