Une femme à la tête de l’UNESCO ? 
             Les critiques suscitées par la candidature de M. F.Hosni  à la tête de l’Unesco ont laissé dans l’ombre les qualités de ses concurrents.  La dernière en lice,  Mme Irina Bokova,  Ambassadeur de Bulgarie à Paris, appartient à la génération  d’hommes et de femmes politiques  en Europe de l’Est qui s’est forgée  dans l’âpre processus d’accès à la démocratie  après la chute du Mur de Berlin. Respectueuse des diversités culturelles dans son propre pays (où cohabitent  chrétiens orthodoxes, agnostiques, juifs et musulmans)  et à travers le monde, cette femme politique d’expérience et diplomate de carrière  aborde les conflits internationaux  dans un esprit  de tolérance, d’humanisme et de dialogue en vue d’une gouvernance multipolaire. Démocrate  convaincue, Irina Bokova représente les forces qui œuvrent pour un véritable redressement économique, social et culturel de son pays d’origine,  engagé dans une restructuration indispensable au sein de l’Union européenne dont Irina Bokova porte les valeurs avec énergie et talent.  
            La « vieille » et la « nouvelle » Europe pourraient trouver avec elle une impulsion pour procéder à cette réévaluation de l’héritage culturel européen dont a besoin l’identité politique de l’Europe elle-même, mais qui devrait aussi  clarifier et consolider la voix de l’Europe dans le contexte de la globalisation. Francophone et francophile convaincue, Irina Bokova  contribue activement à affirmer le  nouveau visage de la francophonie institutionnelle (OIF) dont la Bulgarie fait désormais partie intégrante, avec d’autres pays qui n’ont pas le français en partage, mais qui partagent les idéaux de la République. Et qui retrouvent le chemin vers la langue et la culture française, pour autant que celles-ci portent au monde un message universel soucieux de réhabiliter la culture dans la recherche d’un modèle social alternatif  et de développer  la vocation interculturelle de l’Unesco.  
            Très attentive à la défense des droits des femmes partout dans le monde, elle s’engage avec enthousiasme et sans  sectarisme   pour l’éducation et la promotion des femmes dans tous les domaines de la vie sociale, politique et culturelle, dans un esprit de respect de la mémoire culturelle aussi bien que de l’évolution des mentalités. Esprit éclairé et responsable, Mme Bokova  sera-t-elle la première femme Directrice générale de l’Unesco ? Son action, qu’elle s’engage à mener en harmonie avec les valeurs fondatrices de cette organisation prestigieuse et essentielle en temps de crise, pourrait  devenir un formidable signal de liberté pour les femmes et les hommes  sur toute la planète, et ceci depuis Paris où Simone de Beauvoir - dont nous célébrons cette année  le 60e anniversaire du Deuxième sexe - écrivait : « la liberté doit contester en son propre nom les moyens dont elle use pour se  conquérir ».  
            JULIA KRISTEVA  |